Les enluminures relatives à la vie religieuse
et consacrées aux reliques de la Passion
illustrant le texte de La Destruction de Rome
et de Fierabras dans le manuscrit à peintures
de Hanovre

- Marc Le Person
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A Saint-Pierre de Rome, le pape, assis sur son trône, prend conseil de ses barons qui l’ont informé des massacres et du pillage des Sarrasins

 

      fig. 1. Anonyme, « Le pape tient son conseil »,
      La Destruction de Rome,
ms. H, fin XIIIe siècle,
      Hanovre, Niedersächsische Landesbibliothek, IV-578, f° 8 v°

 

      Le cadre de l’enluminure évoque un palais gothique : le pape, coiffé d’une sorte de tiare constituée d’une couronne surmontée d’un chapeau pointu, est assis sur son trône devant son conseil. Les cinq barons représentés de trois-quarts lui font face assis sur des bancs, à l’ombre d’un chêne. La discussion semble animée comme en témoigne les mains levées des barons face à l’index autoritaire du pape qui mène le débat.
      Comme Charlemagne, le pape est un puissant seigneur, mais qui n’est que le primus inter pares. Il réunit ses barons pour leur demander le bon conseil et discuter de la meilleure conduite à tenir pour défendre Rome. Il est soucieux d’obtenir un consensus aussi large que possible sans jamais oser contrarier un de ses grands féodaux, quitte à se laisser imposer une mauvaise décision qu’il regrette ensuite avant de revenir à sa proposition initiale quand les circonstances le permettent.
      Lorsqu’il préside son premier conseil au début de la Destruction de Rome, il approuve l’avis de Garin qui propose avec sagesse, devant la gravité de la situation, de demander de l’aide à Charles. Mais le fougueux Savari prône plutôt la résistance et la riposte immédiate, qui lui semblent une attitude plus digne et plus valeureuse que la solution de facilité consistant à attendre passivement les secours : « Honis seit qe primerains pensera cowardie ! » « Honni soit qui, le premier, pensera à une couardise ! » (La Destruction de Rome, ms. H, v. 556).

 

« Par foai, sir appostoille, ceo n’otreie yeo mye
Qe cil de Rome facent itiel recreandie,
Quant encore nen est lance esquassé ne brusie
Ne halbers derompu ne fort targe parcie.
Par le baron seynt Pier qe jco adoure et prie,
Meulz voil que ma chars soit .XXX. lüez parcie
Et mes halbers rompu, ma broigne desmailie (La Destruction de Rome, ms. H, v. 544-550).
Ma foi, sire pape, je ne suis pas d’accord que ceux de Rome accomplissent une action si lâche quand aucune lance n’est encore rompue et brisée, aucun haubert cassé, aucun fort bouclier percé. Au nom du baron Saint Pierre que j’adore et prie, j’aime mieux que mon corps soit percé en trente endroits, mon haubert rompu et ma cuirasse déchirée.

 

      Après le premier revers subi au Château Miroir (= le Capitole) et l’échec des chevaliers romains, contre l’avis général, Savari fait encore pression sur le pape et lui fait renoncer à envoyer un messager au roi de France. L’attitude orgueilleuse de Savari va entraîner la défaite générale et précipiter la ruine de Rome comme le souligne le jugement par anticipation de l’auteur :

 

Honis seit qe primerains pensera cowardie ! »
Hahy, dolant chaitifs, mar virent s’aatye ! (La Destruction de Rome, ms. H, v. 556-7)
Honni soit qui, le premier, pensera à une couardise ! » [dit Savari] Ah, pauvres gens, c’est pour leur malheur qu’ils virent sa provocation !

 

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