Pour le XVIe siècle, Trun Trang s’intéresse à l’Imagination poëtique de Barthélémy Aneau et à la mise en scène iconographique des différents protagonistes que sont l’auteur, l’imprimeur et le dédicataire. T. Trang commence par rappeler que les éditeurs jouent un rôle majeur dans l’élaboration du livre d’emblème, prenant souvent l’initiative d’adjoindre des images aux épigrammes. La question de l’autorité est particulièrement intéressante pour ces œuvres puisque, par définition, « le recueil d’emblèmes est d’abord et avant tout un lieu de rassemblement des propos d’autrui, de transmission de la voix des auctoritates » (p. 89-90). Etudiant les premières pages de l’Imagination poëtique, T. Trang note que Barthélémy Aneau cherche tout de suite à intégrer son œuvre dans le réseau des lettrés lyonnais et poursuit avec une lecture attentive du texte. En prolongeant l’étude par l’analyse des quatre premières pièces iconotextuelles de l’œuvre, l’épître dédicatoire et la préface, l’auteur remarque que tout ce péritexte participe de la volonté de Barthélémy Aneau de mettre en lumière son autorité personnelle à travers un discours de légitimation.

Suivent trois articles sur la période moderne. Marie-Claire Planche travaille sur les portraits d’artiste aux XVIIe et XVIIIe siècles. Après la description de quatre estampes liminaires de recueils, l’autrice s’intéresse aux « portraits rédigés » en comparant quelques portraits de peintres issus des Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leurs portraits au naturel de Perrault et de l’Abrégé de la vie des plus fameux peintres de Dezallier d’Argenville.

L’article de Christophe Martin est centré sur les textes illustrés du XVIIIe siècle. Après un rappel historique sur le contexte de production des images dans les textes imprimés, l’auteur interroge l’implication de l’auteur dans le processus d’illustration. Etudiant successivement l’édition de 1697 des Contes de Perrault, les Lettres d’une Péruvienne de Mme de Graffigny, Manon Lescaut, La Nouvelle Héloïse et les œuvres de Rétif de la Bretonne, C. Martin met en lumière la façon qu’ont eu les auteurs de soutenir voire de diriger le processus d’illustration de leurs œuvres, soit dans la perspective d’une stratégie éditoriale, soit dans le but de compléter le sens, « d’étendre l’empire de l’écriture par d’autres moyens » (p. 147). En travaillant sur Rousseau, Sade et Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur remarque également que les commentaires d’auteurs accompagnant les estampes ou gravures permettent au romancier de « déborder la sphère de la conception et de l’invention pour envahir celle de l’exécution » (p. 150). Le dernier temps de l’article rapproche cette mainmise de l’auteur de la conscience esthétique du XVIIIe siècle, qui inféode l’image au texte, celle-ci souffrant d’une « infirmité narrative » (p. 151). Et Christophe Martin signale en définitive que le XVIIIe siècle se place de ce fait sous le signe d’un « désir de contrôle de l’écrivain sur l’image », voire d’une « défense du romancier face aux pouvoirs du visuel » (p. 154), la menace d’un renversement des hiérarchies pouvant poindre.

Dans son texte, Olivier Leplatre s’intéresse, lui aussi, à l’illustration liminaire de l’édition de 1753 de Manon Lescaut. Après un rapide panorama bibliographique, l’auteur observe les similitudes entre cette image et celle qui accompagne le Télémaque et souligne les nombreuses ambiguïtés de l’œuvre de Pasquier. Préfiguration du roman, l’image trouble le lecteur, qui ne sait s’il s’agit d’une ode au plaisir ou de louanges pour un retour à la vertu. O. Leplatre remarque comment les images du désir oblitèrent la majeure partie de l’image alors que le calvaire, lui, en est éjecté. Mais, plus intéressant encore, l’auteur invite à se servir de cette illustration pour relire le Télémaque. Revenant sur la réception du texte de Fénelon par l’abbé Faydit, il fait remarquer que ce dernier avait critiqué le précepteur en lui reprochant une trop grande complaisance à décrire les scènes de tentation et de plaisirs ; lecture dont la vignette de Manon Lescaut se ferait l’écho : « passée par Manon Lescaut, texte oscillant entre le roman libertin et l’ouvrage moral, la vignette remonte et propose une autre perception du livre de Fénelon, considéré par Faydit comme une fiction duplice » (p. 178). Dans un dernier temps de l’analyse, O. Leplatre observe la manière dont, dans l’image de Pasquier, Des Grieux, très féminin, tendrait presque à être assimilé à Manon qui pourrait bien n’être qu’une création du chevalier. Et la place centrale du personnage, véritable aimant pour le regard rappelle que « rien de ce qui a lieu dans l’image ne se détache de son personnage médian parce que toute l’histoire vient de lui et tient par lui » (p. 183).

Quatre articles s’intéressent ensuite au XIXe siècle. Caherine Nesci observe l’influence croissante de l’éditeur en étudiant successivement les frontispices de L’Hermite de la Chaussée-d’Antin et du Diable à Paris. Entre 1813 et 1846, il semble ainsi que l’éditeur soit devenu la principale figure d’autorité : « le frontispice et le Prologue du Diable à Paris mettent en scène les tâches médiatrices de l’éditeur, qui hérite des attributs de l’auteur-observateur » (p. 216).

Michela Lo Feudo réfléchit pour sa part aux représentations de l’artiste dans l’hebdomadaire La Silhouette en interrogeant « les relations intersémiotiques entre texte et image » (p. 230) qui s’instaurent dans la revue. Analysant différents régimes de l’image ou de la caricature proposés par le périodique (autoreprésentation de l’artiste, autoréflexion sur le statut de la critique, légitimation de la catégorie sociale de l’artiste), l’autrice montre que malgré la pluralité des sujets abordés, ce qu’elle nomme une « instabilité programmatique de la publication » (p. 240), les différents usages de l’image contribuent à faire de celle-ci un « espace métaphorique d’autoréflexion et d’expérimentation » (p. 240).

 

>suite
retour<