Le Film des questions
ou L’insurrection lyrique réduite

- Frank Smith
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Le Film des questions - Bande son

 

Voix des faits
A venir.

 

Voix des questions

 

Séquence I

 

Qu’est-ce qu’une question ? Des questions se posent-elles ? Comment les poser ? Des images se posent-elles ? Comment les poser ?
Est-ce que l’on pose des questions ? Est-ce que l’on pose des questions là où il y a des images ? Est-ce que l’on pose des questions là où il y a des coupes de paysages ? Est-ce que l’on pose des questions là où il y a des blocs de paysages tranchés, segmentés par une caméra qui les saisit ?
Où sont les choses dans les images qu’on prend ? Est-ce qu’on filme en surface des choses ?
Où est l’événement ? Où est l’événement dans les images qu’on capture ?
Quand advient-il dans les images une fois saisies, le paysage absorbé ? Quand advient-il dans les images une fois saisies, le paysage absorbé par le regard à travers l’objectif de la caméra ?
Où se situe l’événement dans l’image ? Où se situe l’événement dans le film ? Dans les blocs de paysages découpés ?
Où va-t-on trouver cela ? Où va-t-on trouver cela dans les choses ? Dans les bois, dans les forêts d’Alabama ? Où va-t-on trouver cela dans les choses ? Dans les malls, dans les sanctuaires ultra-consommatoires de la société américaine ? Où va-t-on trouver cela dans les choses ? Sur les terre-pleins des highways d’Alabama ?
Où cela ?

 

 

Séquence II

 

Qu’est-ce qu’on trouve dans le paysage ? Qu’est-ce qu’on ne trouve pas, qu’est-ce qu’on y voit ? Une singularité du paysage existe-t-elle ? L’Alabama, le grand-sud, la mousse espagnole ? Quelle possibilité de paysage, en Alabama ? Quelle possibilité de paysage pour quelle potentialité d’images, en Alabama ? Est-ce qu’on peut en faire quelque chose ? Est-ce qu’on peut trouver dans l’image ce quelque chose qui a eu lieu dans le paysage ? Est-ce qu’il peut se donner pour qu’on en fasse quelque chose, le paysage d’Alabama, les forêts noires d’Alabama, les terre-pleins herbeux entre les highways d’Alabama ?
Est-ce qu’ils prennent corps dans un état de choses, les crimes enfouis à la chaîne, les dix meurtres commis, le 10 mars 2009 ? Est-ce qu’ils prennent corps dans un état de choses, dans un état de faits, la série des crimes enfouis dans le paysage, le 10 mars 2009 ?
Est-ce qu’il a existé, de toute éternité, sans ce crime à venir, le paysage ? Est-ce qu’il peut encore exister sans l’événement qui l’a anéanti, le paysage ? Est-ce qu’il peut désormais vivre, poursuivre sa route de paysage sans le crime, le paysage ? Est-ce que la route est la route encore elle, dans le paysage? Est-ce que la mousse espagnole est la mousse espagnole encore elle, sur les bords du paysage traversé ?
Est-ce qu’il comporte des affects, le paysage ? Est-ce qu’il a le droit aux affects, le paysage ? Une qualité considérée dans un état de choses, est-ce qu’il en a le droit ? Une qualité considérée dans un état de choses, dans un état de crimes, une série de crimes, est-ce qu’il peut la contenir, le paysage ? Est-ce qu’il porte en lui l’événement du crime à venir, du crime réalisé, le paysage ? Du crime réalisé et prétendument effacé ?
Où se sont défaits les crimes quand on a débarrassé le paysage des corps morts d’Alabama ? Où se sont effacés les crimes quand on a débarrassé le paysage des cadavres d’Alabama ? Des cadavres au hasard ? De la route au hasard ?
Où cela ?

 

 

Séquence III

 

Le tir de la carabine, le tir de la carabine à onze reprises, le tir de la carabine et le coupant du couteau, à onze reprises, est-ce que c’est pareil ?
Le tranchant du couteau, c’est où ? Le coupant, le tranchant du montage dans un film, qu’est-ce que c’est ? Est-ce que c’est dans l’événement, dans la part de ce qui n’a jamais fini de se produire ? Est-ce que c’est dans l’événement, dans la part de ce qui n’a jamais commencé d’arriver ? De ce qui n’a jamais fini d’arriver ?
Est-ce qu’un événement, une série de crimes dans les bois d’Alabama, dure encore après qu’ils aient eu lieu ? Est-ce qu’il arrive, l’événement arrivé dans l’objectif de la caméra ? Est-ce que le montage du film, c’est prolonger l’événement qui n’a jamais fini de se produire ?
Comment saisir par les images ce qui continue ? Comment saisir par les images ce qui continue, qui ne cesse pas d’arriver dans le paysage ?
Est-ce que le paysage peut exister indépendamment de l’événement, la série de meurtres qui ne cessent plus ? Le sang coule-t-il encore ? Est-ce que le sang coule encore ?
Est-ce qu’on peut parler du tranchant du couteau pris en lui-même ? Du tranchant d’une carabine, est-ce qu’on peut en parler ? Du tranchant d’une carabine qui tire au hasard sur des gens, des people au hasard, est-ce qu’on peut en parler ?
Qui flingue au hasard dans les bois d’Alabama, au hasard, dans les forêts noires et pendues des highways d’Alabama ? Est-ce qu’on peut en parler ?
Est-ce que le tir de la carabine n’est pas fini avec le résultat d’avoir atteint sa cible ? Est-ce qu’il n’est pas possible de le reprendre aussi bien, le couteau, le tranchant du couteau, et trancher du pain à nouveau, retrancher du re-pain ? Est-ce que l’on peut acheter du pain frais dans les malls ultra-consommatoires en Alabama ? Est-ce que le pain est frais en Alabama ? Est-ce que le pain est rassis en Alabama ? Est-ce que les cadavres sont rassis quand le sang a coulé ? Est-ce qu’il est possible aussi bien de le reprendre, le couteau, si tout va bien, en Alabama ? Et est-ce qu’il est possible de tuer encore, re-tuer encore, re-re-tuer encore une personne au hasard, une re-personne, une re-re-personne ?
Entre les deux, entre deux meurtres, entre deux découpages de pain, le tranchant du couteau aura-t-il toujours été là ? Entre les deux, entre deux meurtres, entre deux découpages de pain, le tranchant de la carabine aura-t-il toujours été là ? Le tranchant du montage du film aura-t-il toujours été élucidé ?
Les meurtres commis, les tranchants du couteau, du pain, du montage, n’en auront-ils jamais fini et n’auront-ils jamais commencé ?

 

 

Séquence IV

 

Où est-elle la lumière ? Dans les choses ? Dans les événements qui relient les choses ? Est-ce que l’on voit la lumière dedans ? Dedans les choses ? Dedans les choses filmées ?
Comment cerner, tracer la collection des lignes de lumière et des figures de lumière ? Comment cerner, tracer la collection des lignes de lumière et des figures de lumière quand c’est absolument autre chose ce qui plus tard apparaît comme ligne rigide ou figure géométrique ou corps solide dans l’image ? Est-ce que la matière n’est pas lumière elle-même, la lumière ?
Comment faire apparaître la lumière, les lignes de lumière entre les choses, les figures de lumière à la place des choses, en Alabama, dans le noir d’Alabama, dans les forêts noires d’Alabama, dans le noir-Alabama ?
Comment, sur chaque plan du film, la lumière ne cesse-t-elle pas de diffuser ? Est-ce que le plan connaît le haut, le bas, la droite, la gauche, les corps solides ?
La lumière sur ce plan, qui ne cesse pas de diffuser, de se propager en tous sens et toutes directions, connaît-elle réflexion ? La lumière sur ce plan, qui ne cesse pas de diffuser, de se propager en tous sens et toutes directions, connaît-elle réfraction ?
Comment ne cesse-t-elle pas, la lumière, d’aucun arrêt d’aucune sorte ? Comment ne cesse-t-elle pas de se propager, la lumière d’Alabama, la lumière noire des forêts noires d’Alabama ? Comment ne cesse-t-elle pas, la lumière dans le noir-Alabama ?

 

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