Comment recycler une métaphore trouée ?
- Adrien Guignard
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« Enfermement voyageur. Immobile dans le wagon, voir glisser des choses immobiles. Qu’est-ce qui se passe ? Rien ne bouge au-dedans et au-dehors du train.
Immuable, le voyageur est casé, numéroté et contrôlé dans le damier du wagon, cette réalisation parfaite de l’utopie rationnelle. La surveillance et la nourriture y circulent de case en case : "Contrôle des billets"... "Sandwiches ? Bière ? Café ?...". Seuls les W.C. ouvrent une fuite dans le système clos. C’est le fantasme des amoureux, l’issue des malades, l’escapade des enfants ("pipi !"), – un coin d’irrationnel, comme l’étaient les amours et les égouts dans les Utopies de jadis. Mis à part ce lapsus abandonné aux excès, tout est quadrillé. Ne voyage qu’une cellule rationalisée. Une bulle du pouvoir panoptique et classificateur, un module de l’enfermement qui rend possible la production d’un ordre, une insularité close et autonome, voilà ce que peut traverser l’espace et se rendre indépendant des enracinements locaux. (...)
Le train généralise la Melencolia de Dürer, expérience spéculative du monde : être hors de ces choses qui restent là, détachées, absolues, et qui nous quittent sans qu’elles y soient pour rien ; être privé d’elles, surpris de leur éphémère et tranquille étrangeté. Emerveillement dans l’abandonnement ».

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