Résumé

Gestes en suspens. Le temps comme matière
du monde dans le cinéma de Jeff Nichols

- Sophie Lécole Solnychkine

Français : En 5 films à peine, Jeff Nichols s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération. Dans ces films, dont la simplicité narrative n’est qu’apparente, se met en place une esthétique qui déjoue la linéarité des trajectoires en les constellant de moments d’ouverture. L’attention du réalisateur à certains gestes effectués par les personnages, gestes qui se tiennent au seuil du récit, lui permet de renouer avec la puissance élémentaire des objets naturels. Ces plans opèrent alors des trouées dans le récit, qui ont également pour effet de ruiner toute tentative d’inscription générique des films. Si les références au genre sont bien présentes (film-catastrophe, récit d’initiation, science-fiction, biopic, film de procès, etc.), chez Nichols le geste cinématographique pour autant se suspend. Le cinéaste œuvre à construire du genre une esthétique périphérique, s’en tenant à la marge en refusant ses marqueurs canoniques, tout en en renouvelant la dramaturgie autour d’une adresse à la nature.
Mots-clés : geste, images erratiques, récit, trouée narrative, dérèglement esthétique, insistance du photographique dans le cinématographique

 

English: In just 5 films, Jeff Nichols has established himself as one of the most promising directors of his generation. Beyond their apparent narrative simplicity, his films sets up an aesthetics which thwarts the linearity of the characters’ trajectories by including scattered moments of openness. The director's attention to certain gestures made by the characters, gestures that inhabit the threshold of the story, allows him to reconnect with the elementary power of natural objects. Such shots create gaps in the narrative, which in effect ruin any attempt to fully integrate the films within a given genre. If references to the genre are present in Nichols (disaster film, initiation story, science fiction, biopic, trial film, etc.), the cinematographic gesture is often suspended in his movies. The filmmaker works to construct a peripheral aesthetics of the genre, sticking to the margins by refusing its canonical markers, while reinvigorated a dramatic potential through an address to nature.
Keywords: gesture, erratic images, narrative gap, aesthetic disturbance, persistence of the photographic within the cinematographic

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