Portrait pataphysique
- Paul Edwards
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Paul Edwards, Phasm

Paul Edwards, The knight of Clubs

Ariane Hudelet, Paul Edwards, Portrait pataphysique, novembre 2013

Ce film est soumis à la protection juridique du droit d’auteur.
Toute reproduction est interdite sans autorisation de l’artiste.

 

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      Mademoiselle de Phocas est un roman illustré par la photographie, élaboré au sein de l’Ouphopo (Ouvroir de Photographie Potentielle). Roman d’amour, d’hypnose, d’art et de crime, il s’inspire de Monsieur de Phocas, roman de Jean Lorrain paru en 1901. Le Paris de la « Décadence » est remplacé par le Paris Goth d’aujourd’hui – mouvement à la mode qui se réclame précisément de Lorrain, Baudelaire, Jarry, Rachilde… Le peintre dans Monsieur… est photographe dans Mademoiselle
      Ecrit initialement en français et publié en feuilleton en 23 fascicules accompagnés de petites enveloppes contenant des tirages photographiques, l’édition proprement bibliophilique est celle de la traduction anglaise. Les dix boîtes contiennent un exemplaire du roman en édition de luxe, un jeu de tarot photographique original (78 photos), une brochure explicative, un dessin original, des photos supplémentaires dans de petites enveloppes, etc. L’essentiel est le jeu de tarot.
      L’idée principale est d’accompagner un roman d’une série de photos qui constitue une véritable illustration de l’histoire, mais de façon ludique, d’où le jeu de tarot photographique. Un jeu de tarot divinatoire, mais détourné. On peut considérer le résultat comme un jeu de société surréaliste.

 

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      Un petit retour en arrière :

      Une partie de l’activité de l’Ouphopo est l’élaboration de contraintes, comme pour l’Oulipo. Et parmi ces contraintes figurent des contraintes littéraires. Ainsi, diverses réalisations ont montré de nouvelles manières de faire rencontrer contes et photos. Par exemple : une série de photos prises à Rome pour illustrer le roman de Jarry Messaline ; ou encore un spectacle de marionnettes (théâtre d’Epinal) construites entièrement avec des photos publiées dans le roman Bruges-la-Morte de Rodenbach.
      Parallèlement, il fallait connaître tout ce qui s’était déjà fait en matière d’illustration photographique depuis l’origine de la photographie, c’est-à-dire écrire son histoire et répertorier toutes les fictions photo-illustrées publiées en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis entre 1839 et 1939. Après seize ans de recherche, est paru Soleil noir. Photographie et littérature, des origines au surréalisme, Presses Universitaires de Rennes, 2008.
      Pour le projet « Mademoiselle de Phocas » :
      • le personnage principal est photographe et le roman décrit ses prises de vues,
      • certaines illustrations sont les photos prises par ce personnage fictif,
      • le lecteur doit jeter les cartes du tarot photographique à la fin de chaque chapitre pour prédire l’action du chapitre suivant, en se servant de la brochure explicative, qui est une réécriture ludique des significations ordinairement attribuées au tarot divinatoire de Marseille. Ça marche, car prédire le futur est un jeu littéraire.

 

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      Les images sont majoritairement des macrophotographies d’insectes et s’inspirent de la scène musicale de l’underground où l’insecte est un symbole privilégié. Il existe depuis la fin des années 70 toute une iconographie de métamorphose kafkaïenne et de biomécanique tirée largement de l’anatomie des insectes et d’autres animaux segmentés, comme c’était le cas pour l’Art Nouveau. De même, les écrivains symbolistes et décadents de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, ont puisé dans un bestiaire « gothique », maldororien, monstrueux, fœtal et simiesque, dont se réclame l’underground musical aujourd’hui.
      Ainsi, Mademoiselle de Phocas et ses illustrations, malgré une diffusion restreinte au sein de l’Ouphopo et du Collège de Pataphysique, est une œuvre résolument moderne, mais consciente de sa place dans les traditions photolittéraires.

 

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