Les éditions Al Manar :
une complémentarité de l’image et du texte

- Hicham Belhaj
_______________________________

page 1
ouvrir cet article au format pdf
partager cet article   Facebook Twitter Linkedin email


Alberto Manguel, Histoires classiques,
« Ultramarines », 2010


Houssein Miloudi, Catalogue de l’exposition
Miloudi
, Paris, Galerie Al Manar, 1995


Abdellatif Laâbi, Mohammed Kacimi,
Ruses de vivants, 2004


Siham Bouhlal, Klaus Zylla, Tombeau,
« Bibliophilie », 2009

      La Galerie Al Manar a été créée, en 1985, par le cinéaste marocain Souheil Ben Barka, à l’époque directeur du Centre du Cinéma Marocain, au sein du complexe artistique et culturel Dawliz sur la corniche de Casablanca. En 1994, Christine et Alain Gorius, un couple germano-français pleinement engagé dans la vie culturelle marocaine, prennent ensemble la direction de la galerie qu’ils consacrent exclusivement aux arts plastiques contemporains. Chaque année, la galerie monte de huit à neuf expositions, individuelles ou collectives, de peinture contemporaine d’artistes marocains, tunisiens, algériens, espagnols, français ou belges. Elle organise également des expositions internationales. Bien que la Galerie ferme en août 2003, le couple Gorius persévère dans sa voie de mécène. En avril 2004, il lance, en hommage à Mohammed Kacimi, leur ami, la galerie « Les Atlassides », à Marrakech.

 

Abdellatif Laâbi, Abdellah Sadouk,
Un Pays m’est nécessaire,
« Corps écrit », 2001
Siham Issami, Claude Bellegarde,
Les Amants de l’ailleurs, « Poésie
du Maghreb », 2005

 

      En 1998, Alain Gorius concrétise son envie d’associer ses deux passions, la peinture et la poésie par la création, à Neuilly, en France, des Editions Al Manar qui vont publier des livres d’artistes tirés à peu d’exemplaires. Depuis, les collaborations entre écrivains (généralement francophones) et peintres (méditerranéens) se succèdent. Ces rencontres ont vu le jour en différentes collections : « Approches et Rencontres » (écrits sur l’art, la littérature, le monde contemporain), « Combats » (texte littéraires à caractère politique), « Corps écrit » (manuscrits peints), « Bibliophilie contemporaine » (livres de bibliophilie), « Contes, Récits et Nouvelles », « La Parole peinte » (tirages limités rehaussés d’originaux), « Méditerranées», « Poésie du Maghreb », « Erotica », « Aimance », « Voix vives de la Méditerranée », « Poésie sans paroles », « Ultramarines », « Poésie ».

 

David Dumortier, Au milieu d’Amman,
« Approches et rencontres », 2008
Mostafa Nissabouri, Houssein Miloudi, Approche du désertique, « Poésie du Maghreb », 1999

 

      Tous les ouvrages publiés par Les éditions Al Manar sont illustrés. Ils constituent un tête-à-tête subtil entre écriture et peinture dans la mesure où certains sont manuscrits par le poète et peints, feuille à feuille, par l’artiste ; même la prose s’y trouve accompagnée par de nombreux dessins.
      Cette cohabitation entre peintres et écrivains, dans ces ouvrages à deux mains, a été motivée par deux raisons : la première est esthétique. Il s’agit, comme le dit Gorius, de faire dialoguer un texte écrit avec l’œuvre d’un peintre et d’établir « un pont entre l’Europe et le Sud » [1]. La seconde raison, liée à la première, est économique. En effet, le marché de l’art et son public est extrêmement restreint car ce ne sont que de grands collectionneurs privés qui achètent les œuvres. Un livre fait de poèmes et de peintures constitue, dans cette optique, un substitut capable de rendre l’art contemporain accessible à un cercle élargi de gens concernés.
      C’est donc aux Editions Al Manar que l’on doit l’introduction d’un genre artistique nouveau au Maroc, en l’occurrence les livres de rencontres entre écrivains et peintres. Ce genre, qui remonte au XIXe siècle, a redonné un nouveau souffle au mariage littérature-peinture, en nourrissant le dialogue interartistique déjà instauré par des revues telles Souffles, Intégral et plus tard Lamalif, grâce notamment à une publication, quoique irrégulièrement, d’articles consacrés à l’art marocain ainsi que des reproductions des tableaux de certains peintres.

 

Emmanuel Damon, Mikio Watanabé, Mon florilège
ma dévorée
, « La parole peinte », 2011
Albert Bensoussan, Albert Woda, L’Orpailleur, « Erotica », 2013

 

Site internet des Editions Al Manar.

 

sommaire

[1] Entretien d’Alain Gorius avec Olivia Phélip, « Le rare et le beau. Esquisse d’une promenade poétique. Confidences d’un bibliophile », sur le site des Editions Al Manar.