
La Fontaine sur le mont Fuji :
  quand les animaux des fables parlent japonais.
Etude d’un ouvrage français publié
 au Japon
à la fin du XIXe siècle
    - Nathalie Le Luel
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Fig. 39. Kawanabe K., Esope racontant ses fables, 1875 

Fig. 40. Anonyme, Grenouilles et lapins jouant au Sumo,
    fin XIIe s.-début XIIIe s. (détail) 

Fig. 41. Anonyme, Lapins et singes se baignant,
    fin XIIe s.-début XIIIe s. (détail) 

Fig. 42. Anonyme, Le pélerinage, fin XIIe s.-
    début XIIIe s. (détail) 

Fig. 43. Anonyme, La poursuite, fin XIIe s.-
    début XIIIe s. (détail) 

Fig. 44. Anonyme, Le tir à l’arc, fin XIIe s.-
    début XIIIe s. (détail) 

      Mais ces fables occidentales ne sont pourtant pas les premières à être parvenues au Japon. Plusieurs siècles auparavant, en 1593, c’est-à-dire un demi-siècle après la découverte du Japon par le Portugais, Fernao Mendes Pinto en 1542 ou 1543, fut traduit et imprimé sur la petite île d’Amakusa, par des missionnaires jésuites portugais, un ouvrage contenant la Vie d’Esope et 70 fables de celui-ci (en japonais romanisé). L’Esopono Fabulas, dont un unique exemplaire est aujourd’hui conservé à la British Library, fait partie des rares textes occidentaux, qui plus est, considéré à l’origine comme chrétien à avoir survécu à l’expulsion des Occidentaux qui débuta en 1614  [36]. Matériel pédagogique au départ destiné à l’apprentissage du japonais (comme ce fut le cas en Occident pour l’apprentissage du latin et du grec dès la période classique) et instrument de christianisation grâce aux morales, les fables furent très rapidement traduites dans une forme plus littéraire (Isoho monogatori) pour attirer l’attention d’un public japonais cultivé [37]. Selon Pack Carnes, on doit à cette version plus littéraire des fables d’Esope l’imprégnation ou l’assimilation par la littérature japonaise de nombreux motifs dont elles sont la source. Alors que le Japon était fermé à l’Occident d’environ 1639 au milieu du XIXe siècle  [38], ce monument de la littérature occidentale a perduré en s’accordant avec la culture nippone  [39]. Le texte des fables d’Esope fut adapté pour correspondre au milieu japonais  [40] à l’image des graveurs d’estampes de la fin du XIXe siècle qui ont transposé graphiquement les histoires animales de la Fontaine dans leur univers. Enfin, notons que parallèlement à Esope, les fables du Panchatantra étaient déjà connues en cette fin de XVIe siècle au Japon, tout comme celles issues de la tradition bouddhiste des Jatakas [41].
        Cela  témoigne donc de l’existence  d’un substrat commun qui s’est diffusé tant vers l’Asie que vers l’Europe. Il se  mesure peut-être visuellement dans les estampes sur lesquelles nous nous  penchons, d’autant que l’édition de 1659 de l’Isoho Monogatari fut illustrée de dessins transposant déjà Esope – vêtu  à la japonaise – et ses fables dans un cadre nippon [42]. Les illustrations attestent une véritable  recherche d’adaptation iconographique du texte. L’exercice achoppe cependant lorsque  les animaux occidentaux de certaines fables ne trouvent pas de correspondance  dans la faune japonaise. Les dessins en noir et blanc se déploient sur 8  pleines-pages de l’ouvrage imprimé : on peut notamment y reconnaître  facilement la fable du Corbeau et le  renard qui suit un schéma classique alors que les animaux de La vache, la chèvre, la brebis et le lion sont plus difficiles à reconnaître [43].  Savoir si les maîtres à l’origine des estampes du Choix de Fables de La Fontaine connaissait ce travail du XVIIe  siècle est impossible. Mais à l’aune de ces dessins, on mesure l’importance du  vecteur oral – la probable traduction verbale des histoires par Pierre  Barbouteau – dans cette entreprise d’adaptation et de transposition visuelles  des fables de La Fontaine dans le Japon de la fin du XIXe siècle.
        Dès les premières années de l’ère Meiji, débutée en 1868, donc peu de temps après la réouverture du pays, furent à nouveau éditées des fables de type ésopique dans des ouvrages à destination des enfants. Elles furent encore une fois utilisées dans un but didactique et servirent d’instrument pour apprendre une langue, le japonais en priorité, mais aussi l’anglais  [44]. Kawanabe Kyôsai (1831-1889), père de Kawanabe Kyôsui, dessina quelques années avant que sa fille ne se penche sur les fables de La Fontaine, la majeure partie des gravures d’un ouvrage en six volumes consacré aux fables d’Esope, Tsûzoku Isoppu Monogatari (« Les fables d’Esope pour tous »), et publié par Watanabe Tazunu à Numazu entre 1873 et 1875  [45] (fig. 39). Il est l’un des premiers artistes au Japon à avoir accepté indistinctement  tant les commandes de peinture que celles d’illustration, notamment de livres populaires [46] ; en cela, il montra la voie aux peintres et graveurs de la génération suivante qui trouvèrent dans l’édition un domaine où ils purent continuer à exercer leur  art considéré comme démodé. Dans ce travail d’illustration d’Esope, les estampes de Kyôsai s’inspirent des gravures de John Tenniel qui avait illustré la version anglaise des fables, traduite par Thomas James en 1848  [47]. Des images de fables occidentales circulent donc au Japon pendant le dernier tiers du XIXe siècle et bien qu’il soit difficile de mesurer une quelconque influence sur les images du chirimen-bon qui nous intéresse, les cinq artistes des fables de La Fontaine ont pu les voir ; du moins ils ont probablement vu le résultat de cette influence dans le travail d’un prédécesseur comme Kyôsai.
        Enfin, du point de vue iconographique, il n’existe pas – comme dans la littérature – à proprement parler de représentations de fables dans l’art japonais avant l’ère Meiji. Cependant, le Japon possède une tradition de mise en image de la satire sociale et religieuse sous forme animale depuis le début de la période féodale. Le premier exemple connu correspond à l’un des rouleaux du Chôjû-giga (littéralement « caricature d’animaux »), un emakimono (rouleau  illustré) de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle appartenant au temple Kôzanji de Kyoto (en tout quatre rouleaux sont conservés mesurant environ 30cm de hauteur pour une longueur allant de 9,33m à 11,89m)  [48]. Le rouleau qui nous intéresse figure des lapins, des grenouilles et des singes dans des attitudes anthropomorphes pleines d’humour, de fantaisie et d’exubérance (fig. 40), trois espèces animales que l’on retrouve dans les estampes des fables de La Fontaine : certains prennent un bain (fig. 41) ou se préparent pour une cérémonie (fig. 42), d’autres luttent et se poursuivent (fig. 43), ou jouent (fig. 44), etc. Très clairement, ces animaux se moquent des travers humains au même titre que ceux de la fable. Ici, sont tournés en dérision les moines bouddhistes, l’aristocratie et la caste militaire  [49]. Cette veine humoristique qui utilise les animaux comme instruments de critique sociale accompagne la production d’emaki qui perdure au-delà du XVIIe siècle après l’arrivée de l’imprimerie commerciale, bien qu’il ne s’agisse pas des sujets les plus fréquemment représentés  [50]. 
        Au contraire de la tradition européenne dont les  premières images de fables sont datées de l’époque carolingienne, le Japon semble n’entrer qu’au début  de l’époque d’Edo dans l’histoire de l’illustration des fables. Tandis que  celles d’Esope sont mises en image en 1659 à Kyoto, les fables de La Fontaine sont  illustrées en 1668, donc de manière contemporaine, dès leur première  publication en France. Dessinées en premier lieu par le graveur François Chauveau, elles sont  par la suite presque systématiquement mises en image d’une édition à l’autre jusqu’à  aujourd’hui. En Europe, le texte des fables de La Fontaine devient donc  inséparable de l’image dès le XVIIe siècle  [51] : il semble alors impossible que ces histoires puissent être présentées sans leur pendant iconographique  [52]. L’une des ruptures visuelles les plus fortes observée dans l’illustration des fables de La Fontaine a lieu au début du XIXe siècle : pour la première fois, dans les gravures de Jean-Jacques Granville, les animaux s’anthropomorphisent alors qu’auparavant les images illustraient davantage le titre de la fable que l’histoire (c’est le cas chez François Chauveau ou Jean-Baptiste Oudry où les représentations apparaissent très anthropocentrées, caractéristique des illustrations occidentales des XVIIe-XVIIIe siècles)  [53]. Le recueil japonais de Barbouteau se situe à mi-chemin entre les deux traditions. Certaines estampes, peut-être inspirées par la tradition née dans le Chôjû-giga, figurent des animaux anthropomorphes (cela est visible dans les célèbres fables de La cigale et la fourmi ou du Corbeau et le renard ; figs. 18  , 21
, 21   et 45) mais elles sont les moins nombreuses. La majeure partie d’entre elles correspond à des gravures où l’anecdotique est mis à l’honneur à travers une nature laissée aux animaux, dans laquelle ils occupent le premier plan.
 et 45) mais elles sont les moins nombreuses. La majeure partie d’entre elles correspond à des gravures où l’anecdotique est mis à l’honneur à travers une nature laissée aux animaux, dans laquelle ils occupent le premier plan. 
        Encouragée par la vogue du Japonisme, la mode des chirimen-bon a conduit La Fontaine et  ses fables à circuler jusqu’au Japon à la fin du XIXe siècle alors que le pays venait de se rouvrir à  des échanges normalisés avec l’Occident. Les contacts entre les deux  espaces géographiques vont en particulier reprendre à travers l’art pictural et  graphique, et la littérature, dans lesquels récits et images d’animaux tiennent  une bonne place. Le pouvoir évocateur des fables explique qu’elles aient été  tant de fois mises en image et qu’elles aient voyagé jusqu’au Japon pour prendre de nouveaux  atours dès l’époque  moderne. Après  Esope, les animaux de la Fontaine ont ainsi été envoyés à la période  contemporaine dans l’archipel, tels des ambassadeurs de la culture française, et  revenus transformés et intégrés à la nature nippone, ils ont à leur tour contribué  à faire découvrir l’art de l’ukiyo-e en  France.
[36] British  Library, Pressmark c. 24 e 11.
  [37] P.  Carnes, « Esopo no Fabulas : more  Notes on Aesop in Sixteenth Century », dans Reinardus, vol. 14, 2001, pp. 99-113, notamment pp. 108-109. Au moins trois versions du même texte ont été  publiées au début du XVIIe siècle, et la version littéraire sera plusieurs fois  rééditée pendant l’époque moderne japonaise, c’est-à-dire entre les XVIIe et  XVIIIe siècles. Sur ce sujet, on pourra également se référer à K. Masaaki,  « Francisco Xavier and Aesop's  Fables: An Anecdote from the Historical Documents Relating to Japan »,  dans Bulletin de la Classe des Lettres et  des Sciences morales et politiques de l'Académie royale de Belgique, 1994,  t. 5, no7-12, pp. 393-402 ; I. Smits, « Aesopus in Japan. Een zeventiende eeuwse best-seller ? », dans Hermeneus, 65, 1993, pp. 168-172 ; Y. Midzunoe, « Aesop's arrival  in Japan in the 1590s », consulter le pdf (consulté le 30 décembre 2012).
  [38] La date de 1639 correspond à l’expulsion définitive  des Portugais de l’îlot artificiel de Deshima, dans la baie de Nagasaki, d’où  ils avaient été déplacés en 1636. Mais la fermeture du pays à l’Occident débuta  dès 1614 : les religieux étrangers furent les premiers expulsés au cours de cette année-là. Une  série de persécutions menées contre les chrétiens et ayant pour but d’éradiquer  le catholicisme au Japon s’ensuivit. Puis furent promulgués plusieurs édits  d’expulsion visant tout autant les Chinois, que les métis (leurs mères  également) et les Occidentaux, tandis que les Japonais tombaient sous le coup d’une  interdiction de quitter le pays ou d’y revenir s’ils étaient à l’étranger. Le climax de cette fermeture au monde  extérieur eut lieu le 3 août 1640 avec la décapitation des 57 membres d’une  ambassade portugaise venue de Macao pour négocier de nouveaux accords  commerciaux, exécution advenue après qu’ils ont refusé la grâce promise en cas  d’apostasie. Seuls les Hollandais réussirent à conserver un comptoir sur l’îlot  de Deshima pendant toute la période de fermeture et au prix de conditions  extrêmement strictes. Le pont gardé qui reliait l’îlot à la terre ferme demeura  le fil du lien ténu qui relia Japonais et Occidentaux pendant plus de deux  siècles. Néanmoins, pendant toute la période d’Edo, des livres en néerlandais  continuèrent à circuler au Japon au point que certains lettrés japonais  apprirent la langue pour accéder au contenu des ouvrages occidentaux qui leur  parvenaient. Pour une introduction à l’histoire japonaise, cf. HERAIL  Francine, Histoire du Japon. Des origines  à la fin de l’époque Meiji, Aurillac, POF, 1997.
   [39] Sur  cette littérature chrétienne qui survit à l’expulsion occidentale du Japon, et  en particulier sur les fables d’Esope, voir J. S. A. Elisonas, « Fables and Imitations. Kirishitan Literature in the Forest of Simple  Letters »,  dans Bulletin of Portuguese/Japanese  Studies, June, n°4, 2002, pp. 9-36.
   [40] P.  Carnes, « Esopo no Fabulas : more  Notes on Aesop in Sixteenth Century », art. cit., p. 107.
   [41] Ibid., p. 101 et 110-111.
   [42] J. S. A. Elisonas, « Fables and Imitations. Kirishitan Literature in the Forest of  Simple Letters », Op. cit., pp. 16-17. L’ouvrage  a été numérisé par la bibliothèque de l’Université de Kyoto  (10 juillet  2012). Sur cette édition de 1659, cf. également S. Mutô, Eiri Isoho  monogatari o yomu, Tokyo, 1997. Michael Sullivan cite une version nippone de la  fin du XVIe siècle des fables d’Esope qui aurait été ornée de gravures  réalisées par les disciplines japonais du jésuite Niccolò – mais je n’ai  malheureusement trouvé nulle part ailleurs la mention de l’existence d’une  telle version : cf. M. Sullivan, The Meeting of Eastern and   Western Art, University of California Press, 1997, p. 48.
   [43] Pour  la fable du Corbeau et le renard, cf.  le site de la bibliothèque de l’Université de Kyoto (10 juillet  2012) et pour celle de La vache, la  chèvre, la brebis et le lion : sur le même site (10 juillet  2012).  
   [44] C’est  apparemment encore le cas au Japon aujourd’hui, ce qui constituerait un point  commun avec l’enseignement élémentaire en France où les fables de La Fontaine  continuent d’être apprises et récitées.
   [45] S.  Johnson, « The Illustrations for a  Victorian Aesop and a Meiji Isoppu » dans Bulletin of the Kansai University, Institute of Oriental and Occidental  Studies, n°16, 1983, p. 51 ; id.  « From Aesop to Isoppu. The Making of a Book », dans Toru Haga  et Izumi Hasegawa, Kawanabe Kyôsai gashû,  vol. 2, Tokyo, Rikuyôsha, 1994, pp. 199-203 ; P. Carnes, « The Japanese face of Aesop : Hoshi  Shin’ichi and Modern Fable Tradition », dans Journal of Folklore Research, vol. 29, n°1, 1992, pp. 1-22. Sur  l’illustration des fables d’Esope, J. J.  McKendry, Aesop  : Five Centuries of Illustrated Fables, Greenwich,  Metropolitan Museum of Art, 1964.
   [46] S.  Oikawa, « Le livre illustré dans la seconde moitié du XIXe siècle :  l’exemple du peintre Kawanabe Kyôsai », dans Du pinceau à la typographie : regards japonais sur l'écriture et le  livre, textes réunis et présentés par Claire-Akiko Brisset, Pascal Griolet,  Christophe Marquet et  Marianne Simon-Oikawa, Paris, Ecole française d’Extrême-Orient, « Etudes  thématiques », 20, 2006, pp. 261-289.
   [47] Ibid.,  p. 271-272.
   [48] Sur ces  rouleaux, voir E. Grilli, Rouleaux peints  japonais, Paris, Arthaud, 1962 ; H. Okudaira, Narrative  Picture Scrolls, trad. Elizabeth Ten  Grotenhuis, vol. 5, Weatherhill, « Arts of Japan », 1973.
   [49] Ce  n’est pas sans nous rappeler un certain nombre de figures du monde à l’envers  qui apparaissent dans l’art médiéval occidental, tant dans les réalisations  monumentales que dans les marges des manuscrits. A ce sujet, je me permets de  renvoyer à un de mes articles : « Des images "parlantes"  pour les laïcs : l’utilisation de la culture populaire sur les portails  des églises romanes », dans Cahiers  d’Art sacré, « La Porte et le Passage : porches et portails », n°27,  2010, pp. 18-31. Pour un traitement plus général de cette question, voir J. Wirth  (dir.), Les marges à drôleries dans les  manuscrits gothiques (1250-1350), Genève, Droz, 2008.
  [50] E.  Leggeri-Bauer, « Les emaki ou la puissance des images », dans Emakimono et tapisserie de Bayeux, Dessins  animés du Moyen Age, lecture croisée de trésors nationaux japonais et français,  catalogue de l’exposition, Musée de la Tapisserie de Bayeux, 31 mars-21  décembre 2011, Bayeux, 2011, pp. 18-23. A la suite de cette exposition où la  tapisserie de Bayeux et emakimono étaient mis en regard, il est intéressant de constater qu’apparaissent, dans  les marges supérieures et inférieures de la broderie médiévale datée de la fin  du dernier tiers du XIe siècle, une série de scènes dont certaines ont été très  clairement identifiées comme des fables. Elles encadrent ici le récit de la  Conquête de l’Angleterre par Guillaume.
  [51] A.-E.  Spica, « Le fabuliste et l’imagier », dans Pratiques, n°91, 1996, pp. 113-124.
  [52] G.  Couton, Poétique de La Fontaine,  Paris, PUF, 1957, p. 7 ; A.-M. Bassy, Les  « fables » de La Fontaine : quatre siècles d’illustration, Op. cit., pp. 11-12.
  [53] Ch. H.  Genot, « La cigale et la fourmi. Illustration des fables de La  Fontaine », dans La Gazette des  Beaux-Arts, vol. 95, 1980, pp. 71-76 ; A.-M. Bassy Les « fables » de La  Fontaine : quatre siècles d’illustration, Op. cit., pp. 107-127.
