Martin Barnier,
Bruits, cris, musiques de films. Les projections avant 1914,
Rennes, PUR, "Le Spectaculaire Cinéma", 2011, 306 p.
EAN 9782753512030

 

      En 2010, Martin Barnier, professeur en études cinématographiques à l’Université Lumière Lyon 2, a fait paraître un ouvrage consacré à la situation sonore des projections cinématographiques avant 1914 sous le titre Bruits, cris, musiques de films. Publié aux PUR, cet essai rend compte de la « noise » sonore qui accompagnait autrefois les séances. L’expérience du spectateur était alors riche d’une ambiance due aux multiples lieux de projections (cafés, music-halls, cirques, églises, salles de classe.), aux innombrables bruits, parfois parasites, liés à l’environnement, aux réactions du public ou au visionnage lui-même (bruitages, synchronisation mécanique, accompagnements musicaux.). Le cinéma fut dès son origine un univers visuel mais aussi acoustique dont le livre de Martin Barnier restitue la bande-son foisonnante.
      Textimage relaie son actualité par une présentation de l’ouvrage et la publication d’un article tiré de sa conclusion. Si ce travail peut paraître extérieur à la thématique directe de la revue (le rapport texte-image alors qu’il s’agit pour Martin Barnier de rencontres son-image dans la perspective d’une histoire des espaces sonores), il nous a paru important de signaler sa méthode et ses apports en ce qu’il explore un cas extrêmement riche d’intermédialité ; or ce phénomène intéresse par définition la revue et l’ouvrage de Martin Barnier contribue à le théoriser et à l’illustrer par des formes de croisements entre le monde de l’image et le « texte » sonore qui, dans le cas des projections d’avant 1914, la traverse, la nourrit, la perturbe et en modifie la perception mettant au jour l’originalité de certaines pratiques humaines que l’angle choisi ici permet d’aborder différemment.

« Je crois que l’angle nouveau apporté par mon livre, c’est la façon dont les spectateurs peuvent recevoir les films. Pour moi il n’y a pas de "salles de cinéma" avant 1912 (voir plus tard pour certains endroits). Le film est un élément d’un spectacle qui comprend d’autres attractions (chanteurs dans les caf’conc’, tigres dans les ménageries, équilibristes dans les music-halls, patinage à roulette dans les skating rinks, etc.). Tous ces éléments disparates, je les rassemble car ils constituent "le son" des films avant 1914. C’est avec l’oreille qu’on se rend compte que notre perception de la "projection de film" est faussée car nous comparons à ce que nous connaissons aujourd’hui. Ma recherche permet, je l’espère, de mieux recontextualiser, de redonner vie au spectateur de la Belle Epoque, de montrer que le spectacle cinématographique ne se standardise que lentement, il n’est pas figé , il est vivant, change d’un lieu à un autre (avec le même film). L’unité importante pour moi c’est "la séance". Dans une séance, un film peut être compris comme comique (le projectionniste passe le film très vite car il est pressé, le pianiste s’amuse avec un ragtime, etc.), et dans une autre séance, le même jour dans la même ville le film peut être un drame (accompagnement funèbre au piano, respect du rythme de défilement, mise dans l’ambiance par un conférencier sérieux, diffusion dans un patronage religieux, etc.). La préface de Rick Altman donne d’autres exemples des avancées possibles de la recherche en histoire du cinéma, histoire culturelle des spectacles, voire histoire de la société qui correspondent à ce que je propose » (Martin Barnier).

Lire le texte de Martin Barnier, Pour une historiographie de l’écoute du cinéma avant 1914
sommaire<